Oh non, pensa-t-elle avec amertume. Je suis mal tombée, je crois.

Elle marchait d'un pas vif, profitant de la douce pesanteur lunaire pour accélérer et allonger sa marche comme un félin. Les rues étaient noires de monde.

Loin du centre-ville, Willow avait oublié l'existence du festival. Et malheureusement, d'ailleurs. Elle aurait pu éviter tout ce chahut si elle y avait pensé. Mais tant pis. Elle avait déjà appelé la galerie pour leur dire qu'elle serait prête à leur fournir en mains propres les deux dernières toiles - des portraits - qu'elle avait produit, et qu'elle était libre de leur rendre visite en ce jour. Apparemment, vu leur ton guilleret, les affaires marchaient plutôt bien. Ainsi, au cas-où, ce n'était pas deux toiles qu'elle transportait sous le bras, mais quatre œuvres enrubannée dans du papier léger blanc.

Elle se maudit d'avoir céder à la tentation. Porter les quatre toiles relevait du défi désormais. Elle filait entre les petits groupes de personnes, qui riaient et criaient à tout va. Elle serrait tout contre elle ses petits bijoux et enfonçait la tête dans ses épaules pour la garder froide le plus longtemps possible. Sa robe, longue mais légère, traînait derrière elle en un queue de lézard brune et souple, ondulant à travers les espaces libres de l'air. Ses petites chaussures clapotaient sur l'asphalte gris.

Soudainement, elle releva la tête et un frisson - immonde ou merveilleux ? elle n'aurait su le dire - la traversa au niveau de l'épine dorsal et elle fût prise d'un tremblement plus que voyant. Sa tête avait eu l'air de s’électriser l'espace d'une seconde, et ses yeux se tournèrent naturellement vers un visage aux yeux de biches et aux cheveux tirés en arrière.

Une télépathe, se figura-t-elle avec fascination.

Les joues rouges, fixant l'inconnue qui fit d'elle, de Konstantin et de sa personne un trio. Elle reprit son chemin en coupant net leur échange visuel et se dirigeant rapidement vers la galerie qu'elle aperçut au loin.