L'air clair frémit dans la chaleur naissante de la soirée dégagée qui s'étend au-dessus d'Ys, entre les aiguilles de verre des tours du district Novus. L'été s'annonçant au travers de premières chaleurs estivales s'étendant sur l'océan Pacifique promet un début de saison chaleureux, à pousser les étudiants dans les parcs et les grands-parents aux promenades.

Zenon Vasz, les pouces passés dans les interstices réservées aux boutons de sa blouse, se laisse guider par ses pas et les bruits de voix mêlés à la musique d'une soirée proche. Probablement réservée, le quartier étant ce qu'il paraît à quiconque y pénètre ; mais l'entrée gardée oublie déjà le passage du scientifique.
Il devrait remercier plus souvent les agents de sécurité cherchant à effacer toute trace de sa réputation, et lui permettant de fait de se faire passer pour n'importe quel savant dont lui-même connaît le nom et les activités avec assez de précision pour être persuasif. Mais aussi, il n'a plus aperçu beaucoup d'inspecteurs sur ses traces depuis quelques mois.

La terrasse accueillant la soirée est dégagée et profite de l'air frais du lever de la nuit. L'obscurité est gâchée par les lumières vives assurant aux invités de ne pas rater une connaissance, ni peut-être un pas de danse lorsque la soirée sera plus avancée ; mais après tout, les étoiles ne sont pas la priorité lorsque la haute société se rencontre, même autour de l'inauguration d'une navette spatiale.
Zenon s'enfonce dans la foule clairsemée, devinant qu'il ne reconnaît qu'une infime part des personnes de pouvoir rassemblées ici, parmi lesquelles quelques ingénieurs et concepteurs du projet se démarquent par leur port et leur tact trop artificiel. Traits déterminants pour permettre aux autres invités de les ignorer en cas de besoin, ce qui permet au scientifique - dont la profession ne laisse aucun doute ici - de passer relativement inaperçu et atteindre l'extrémité de la terrasse, ouvrant sur les fenêtres ajourées des gratte-ciels la surplombant.
Il a aussi une bonne vue sur le buffet, dont le compositeur permet aux invités de priser sans honte. Il y remarque aussi quelques membres du gouvernement, quoique pas de Nilsson à première vue - sa présence n'aurait pas été si surprenante au vu de la teneur de l'inauguration et des nouvelles technologies et applications qu'elle implique. Mais aussi, le scientifique n'a pas non plus analysé la composition de toute l'assemblée, et la soirée est encore à ses débuts.

Il repère par contre le visage caractéristique d'un homme pour lequel il est sûr de ne pas être étranger, et avec lequel il échange un bref regard. De sa position, hors de la foule, il attend la fin du tour de poignées de mains de Hayden O'Connor, et son tour de devoir expliquer sa présence en les lieux.

Les salutations de Hayden O'Connor se terminent devant Zenon Vasz, les deux hommes profitant du passage d'un serveur pour s'enquérir de la qualité des petits fours.
Ils sont délicieux ! Serait-ce de l'escargot ?... La cité cosmopolite d'Ys a dans ses forces de rassembler les cultures d'une grande partie du monde, et le docteur remercie mentalement cette diversité d'ouvrir son esprit et ses goûts aux cuisines françaises, entre autres.
Il dédie aussi un battement de pensée aux autres états et gouvernements, s'asséchant lentement sous l'ombre implacable de la mégalopole internationale. Une avancée ne se fait pas sans sacrifice.

- Mh ! Vous vous trompez, Hayden. Le buffet vaut presque l'invitation. Mais je ne m'attendais pas à sa qualité, donc vous avez raison : j'attendais plutôt de vous trouver.
Dommage que le public, finalement les utilisateurs de cette nouvelle navette, ne se rendent pas bien compte de ce qu'elle représente, poursuit le scientifique après un pas l'amenant aux côtés du businessman, en se tournant vers le ciel s'immisçant entre les gratte-ciels. On inaugure les navettes comme des voiliers à la Renaissance, maintenant ; il faut leur excuser l'habitude de notre époque et de son aspect extraordinaire.

Quelques invités ont remarqué les deux hommes légèrement à l'écart de la foule, et commencent sans doute à théoriser sur l'individu en blouse. La présence de Hayden O'Connor suffira rapidement à certains pour découvrir son identité, mais il n'a plus besoin d'être incognito pour partir.

- La conquête du ciel se fait au travers de vos investissements, Hayden. Que cela me plaise ou non, il est plus aisé de passer par vous pour y contribuer, plutôt que de travailler seul.
Et puis, ce que j'ai à vous proposer vous intéressera sans doute, autant ne pas le garder pour moi. Je suis en fait un peu désœuvré ces derniers jours, pour ne pas vous mentir.

Le docteur rit doucement, comme désolé de son aveu.

- Je me suis dit que c'était une bonne occasion pour aller chercher une collaboration. Vous avez été un détracteur de l'utilisation massive de la fusion pour les risques qu'elle représente, ce qui au niveau des transports en commun, est compréhensible.

Les deux hommes se font face, à l'entrée du sujet important. Zenon enchaîne rapidement pour ne pas laisser d'hésitation entre son interlocuteur et lui.

- Je ne reviens pas là-dessus, quoique j'en pense. Sinon, je vous aurais contacté personnellement à l'époque. En fait, je me demandais si vous pensez qu'il pourrait être temps - de sauter du train à la voiture, si vous voulez : temps pour le voyage spatial de passer à l'échelle individuelle ?