Le stress laisse doucement sa place à l'ennui, et mon regarde vagabonde entre Lorelai et Zenon. Les manifestations semblent bien ancrées dans ce lieu pour aujourd'hui, et je doute que nous arrivions à avoir quelques minutes de répit avant que nous quittions la Terre.

D'ailleurs, on peut partir, maintenant ? Évidemment, je ne pose pas la question, et ne prend aucune initiative. Je préfère largement me laisser diriger plutôt que de devoir faire preuve d'initiative. Enfin… Je n'apprécie pas particulièrement, mais l'autre option me terrorise suffisamment pour me maintenir dans mon carcan de passivité.

La remarque de Lorelai me fit alors rappeler que j'avais de la chance, d'être parfaitement inconnu malgré mes antécédents familiaux.  Je n'avais ni à faire bonne figure, ni à maîtriser l'art des conventions politiques et sociales exagérées. Ce qui m'arrangeait, vu que je ne maîtrise déjà pas celles de base. On attend de Lorelai un comportement irréprochable, alors qu'il me semble que mon père attend simplement de moi que je m'affirme et fasse preuve d'initiatives.

Dans les deux cas, c'est pareil : c'est très compliqué et quasiment impossible à réaliser.

Si impossible à réaliser que je me contente d'écouter mes deux comparses, préférant me livrer à une inspection de mes mains comme pour dissimuler le malaise qui m'envahit.

Quand Zenon répond à Lorelai, j'ai presque l'impression qu'il me répond aussi. Je n'ai toujours pas la moindre idée dans quoi je m'embarque. On verra bien, comme qui dirait. Sauf que se baser sur une hypothétique identité n'est pas forcément une bonne idée.

Je commençais alors tout juste à me perdre dans mes pensées que Zenon commence à faire signe de partir. Il était temps ! Ce n'est pas que j'avais l'impression d'être de trop, mais un peu quand même. C'est de ma faute cependant, je ne suis pas en position de me plaindre …

Je regarde vaguement l'extérieur.

-On est obligé de passer par là ? On ne peut pas euh … Passer par ailleurs ?

En cherchant mes mots, je réponds à ma propre question. Je soupire, paye, et reprends mes affaires. Mon regard se perd sur le restaurant. Toujours bon de savoir que certains nous auront fixés pendant presque toute l'heure, sans se soucier de leurs compagnons ou de leur plat.

-Dites ….

Je me retourne vers Zenon et Lorelai qui commençait déjà à plier bagages, probablement persuadés que j'étais à leur côté.

-Attendez-moi !

Ils ne sont peut-être que à quelques mètres de moi, l'idée de me perdre dans une foule de manifestants de m'enchantait guère.