CATHERINE T. GREGORY
feat. artworks @ Len-Yan
"Gregory..."
Une main touche son épaule froide.
Soudain, il revient à lui.
Il revient à lui, et la tête lui tourne un peu.
Le corps inerte en face de lui a fait remonter un flot massif de souvenirs.
Quelque part sous le drap blanc, il cherche une main. Et lorsqu'il l'attrape enfin, la réalité le percute de plein fouet.
La sensation de la mort.
Il aurait préféré ne pas se lever.
Le chariot roule jusqu'à une table aseptisée. Le corps est déplacé, en douceur.
Puis, il demande à ce qu'on quitte la pièce.
Alors, seul dans ce face à face avec la mort, il murmure.
"Bonjour, Maman."
Il fallait que cela arrive. Il savait que ça arriverait.
Il savait qu'elle ne vivrait pas aussi longtemps que lui. Mais voilà plusieurs mois qu'elle montrait de grands signes de faiblesse, de déclin.
La maladie l'avait emportée.
Il prit une grande inspiration, et se mit au travail.
Quelques temps plus tard, elle fut prête.
Prête pour une dernière fois.
Le corps fut replacé dans le cercueil massif, ornementé et décoré avec soin, puis transporté jusqu'au lieu de la cérémonie.
Gregory eut a peine le temps d'enfiler un costume.
Plusieurs lui ont dit qu'il ne fallait pas qu'il s'en occupe. Il n'a rien voulu entendre.
Il marcha jusqu'à une petite église, sans prétentions, que fréquentait assidûment sa mère.
Nombreux étaient ceux qui se bousculaient à l'entrée, afin de voir une dernière fois la défunte, et de lui rendre un dernier hommage.
Sauf un Lunarien.
Ils étaient assez rare
ici bas, impossible donc de le rater.
Gregory aurait pourtant tout donné pour ne pas le croiser.
Il tenta d'entrer sans lui jeter un regard.
En vain.
"Tu ne me dis plus bonjour ?"
"..."
Il était arrêté à la hauteur de l'homme.
Le regard droit, en direction de l'intérieur de l'église.
La mâchoire crispée.
"Ca fait longtemps qu'on ne s'est pas réunit, tous les trois."
Une veine s'affolait près de sa tempe gauche.
Silence.
Gregory reprit sa marche, et s'arrêta en bas de l'escalier.
"Personne ne t'a demandé de venir." qu'il lui lança.
L'autre rit.
Il en a toujours été ainsi.
Gregory est un enfant issu d'une Endogée et d'un Lunarien. Ce mélange, même s'il n'a pas été clairement critiqué, n'a pas été bien vu. Sa mère a souffert en silence pendant des années d'un "conjoint" absent et d'un entourage peu compréhensif.
Avant de mourir.
Pourtant, tout le monde ici apprécie le petit Gregory.
Peut-être parce qu'il est différent.
Gregory est différent sans l'être. Né albinos, son physique étant influencé par son sang Lunarien, personne n'a vu la différence.
Sauf pour ses yeux.
Gregory n'a pas été un enfant difficile. D'un caractère doux, quoique taciturne, il a toujours obéit sans broncher.
Serviable, calme, intelligent.
En vérité, les gens attendaient beaucoup de lui. Constamment surveillé, il devait répondre à des attentes non-exprimées. Juste à cause de son père.
Les gens se sont fait plus regardant lorsqu'il est devenu adolescent, puis adulte.
Allait-il ressembler à son géniteur ?
Malheureusement pour les racontars, non.
Gregory a toujours tenu son géniteur en horreur. Il le révulse, c'en est presque maladif. Lui qui parle peu refuse de parler de cet homme.
Un lâche, une ordure, un menteur.
Homme à femmes, il n'a jamais été présent ; Gregory n'a jamais voulu qu'il entre dans sa vie, autrement.
A chaque fois, la même rengaine : il est désolé. Il va changer. Il va revenir.
A chaque fois, la même fin.
Alors qu'il soit là, aujourd'hui, non.
Non.
Gregory ne peut pas. Il ne le veut pas.
Et pourtant, au fond de lui, il sait qu'ils se ressemblent. C'est comme ça.
C'est comme ça.
Il entre dans l'église, suivi de près par l'autre.
Pour rendre hommage à la femme qu'ils ont aimé.
Là, dans la salle, la lumière filtre à travers les grands vitraux.
La poussière virevolte, et l'on croirait que le temps s'est suspendu.
Une femme semble dormir, là, dans un écrin doré.
Elle est belle : Gregory est fier de lui.
Il se dit qu'il a bien choisi son métier.
Lui qui, issu d'une Endogée et d'un Lunarien, est voué à vivre un peu plus longtemps qu'eux.
Ici, où les gens meurent "plus vite" que les autres, il s'est senti comme obligé de leur rendre leur beauté.
Comme si, dans une dernière parole muette, ils disaient : "Nous mourrons plus jeunes que vous, mais nous mourrons plus beaux."
Effacer les traces de la mort : voilà ce qu'il aime.
Parce qu'il sait qu'elle le suivra.
Il touche son torse, à l'endroit même où est tatoué un papillon.
Les endogées sont des papillons.
Aussi éphémères.
Moi, Ninoscerem
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